Lettre de l'ADAP au Garde des Sceaux
Les insultes doivent cesser.
Devant la surenchère des déclarations inacceptables émanant de hauts magistrats et la révélation de l’existence d’une « liste d’avocats », l’Association des Avocats Pénalistes (ADAP) écrit au Garde des Sceaux.
Monsieur le Garde des Sceaux,
A l’occasion d’un article paru le 21 janvier 2025 dans l’Opinion, signé de Madame Lombard-Latune et intitulé « Lutte contre le narcotrafic : ces avocats dans le viseur des magistrats », nous apprenons que
(…) des pénalistes flirtant avec la ligne jaune, brebis galeuses proche du « milieu », ont toujours existé. Là, selon une source judiciaire, sont visés une cinquantaine d’avocats de Paris ou sa périphérie, Lyon, Marseille et Aix, voire Grenoble.
Ces affirmations font écho aux récentes déclarations des procureurs généraux d’Aix-en-Provence et Grenoble qui, lors des rentrées solennelles, se sont crus autorisés à déclarer :
(…) l’argent de la drogue corrompt parfois les pratiques professionnelles de certains avocats qui vont utiliser les voies de droit au mépris des principes de loyauté (…). Serait visée une minorité d’avocats qui font de la criminalité organisée leur pré carré (…) transformant les audiences en ring de boxe judiciaire.
(…) la procédure soit souvent invoquée moins pour protéger les droits que pour tenter, parfois, de contrarier le cour de la Justice.
Ces attaques contre l’avocature sont sans précédent et nous ne pouvons laisser notre profession se faire insulter à longueur de déclarations publiques et d’interventions médiatiques.
Que de hauts magistrats osent désigner les avocats comme partie prenante du problème du trafic de drogue en France est proprement effarant quant à leur conception de l’État de Droit en général et de leur mission en particulier (on se pince de devoir rappeler que le procureur est légalement le magistrat garant de la liberté individuelle, des droits de chacun et du bon fonctionnement de la justice, il apprécie l’opportunité des poursuites, contrôle la légalité et la proportionnalité des actes d’investigation et veille à ce que les enquêtes soient accomplies à charge et à décharge, art.39 et suivants du CPP pour ceux qui n’ouvrent plus leurs codes).
Ce qui est ici exposé, c’est que faire valoir et sanctionner une violation de la loi par des magistrats ou des policiers (donc une nullité de procédure) constituerait l’acte malhonnête d’un avocat corrompu.
Nous ne pouvons laisser se développer l’idée, a fortiori par des membres de l’institution judiciaire, que défendre les droits fondamentaux soit un stratagème déloyal et frauduleux.
Ces déclarations, de nature à justifier une saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature pour manquement au devoir d’impartialité, d’indépendance et non-respect de l’obligation de réserve (art. 65 de la Constitution et 50-3 et 63 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958), justifient un sévère rectificatif de votre part, sauf à considérer que vous partagez ce constat.
A ce sujet, vos déclarations sur RTL à propos d’une minorité d'avocats travaillant non pas à l'innocence de leurs clients mais à emboliser la chambre de l'instruction et le processus judiciaire pour libérer de détention provisoire des personnes ne nous incitent guère à l’optimisme.
Dans une récente interview, Monsieur le procureur général d’Aix-en-Provence semble nuancer son analyse, en se concentrant sur une minorité d’avocats qui fabriqueraient des nullités de procédure.
Cette tardive minoration du propos n’efface pas l’outrance des attaques précédentes.
En tout état de cause, nous vous rappelons que, au-delà d’une infraction pénale qui serait constituée, nos Ordres ont la charge de notre discipline et que de tels comportements ne manqueraient pas d’être sanctionnés.
Si des magistrats considèrent que des manquements sont établis, qu’ils saisissent nos instances comme la loi le prévoit, plutôt que de jeter publiquement le discrédit sur nos robes par des incantations qui ne visent personne, et donc tout le monde, formulée hors de tout cadre procédural et, partant, interdisant toute contradiction.
Quoi qu’il en soit, nous sollicitons officiellement et par la présente la confirmation par vos services de l’existence d’une liste d’avocats dressée par l’autorité judiciaire, ainsi que la raison et les critères qui ont présidé à son établissement.
Ainsi, l’ensemble des acteurs judiciaires saura si ces propos sont fondés ou s’il s’agit d’une campagne orchestrée pour favoriser le vote d’une loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » particulièrement liberticide et attentatoire aux droits de la défense.
Recevez nos respectueuses et républicaines salutations,
Le Comité Directeur

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